NAR PHU, LE PAYS DE COCAGNE

Il était une fois un jeune chasseur du Mustang qui pourchassait un barhal ( mouton bleu ). L’ animal en fuite traversa des cols escarpés jusqu’à une vallée déserte , toujours poursuivi par le jeune homme. Curieux, celui ci tenta de faire pousser quelques grains d’orge pour juger de la fertilité de la terre. Elle se révéla très propice à l’installation du premier village : NAR .

 

En 2002, la region  s’ouvre au tourisme.

En 2010, j’y organise mon premier périple en période de mousson : osé ? gagné !

 

Cette première à NAR PHU est un éblouissement. Plus riant que le lower Dolpo, plus varié que le Upper  Dolpo – Mustang, plus humide donc plus luxuriant, avec deux grands villages culturellement tout autant passionnants que Dho, Shey ou Charkha. NAR PHU m’est apparu comme le pays de cocagne. La région est promise a un bel avenir surtout si l’accès au Mustang reste aussi coûteuse, et d’autant plus que les habitants du Upper Mustang manifestent actuellement contre l’entrée des touristes dans leur région, tant qu’ils ne bénéficieront pas  d’une part honnête des subsides versés au gouvernement népalais ( 500 us dollards les 10 jours ). Les pluies sont régulières mais peu abondantes l’été. Le relief permet des étapes cohérentes, une acclimatation progressive, et une nuit de régénération à 3600 en milieu de trek si l’on suit les étapes classiques. Chacune de étapes est aménagée d un « pati », eau et toilettes, ce qui facilite le quotidien de l’équipe locale.

 

Celle-ci, composée par mes soins, est agréable, conviviale, et ouverte : Pemba Tamang le cook spécialiste de la pizza aux petits pois, assisté de Sheila Monsieur sourire, DB, et Syange dit pompeusement «Lama » pour avoir étudié 4 années à l’école monastique. Aux commandes Krishna le nouveau Papa au retour de trek, Dorje champion international de course en montagne et « copain-porteur » de mon fils à ses débuts, ainsi que Karma,  charme et patience. Nos porteurs, 14 au depart et 7 à l’arrivée, sont tous des étudiants à Kathmandu, qui portent pour payer leurs études. Original.

 

Les artistes se reconnaîtront : boudhi – boudha, music bahini, baje, boudhi didi, et moi même Cathy Didi. Un très grand bravo et merci aux artistes !

J1 : depart Paris

J2 : arrivée à Kathmandu et installation à la maison, chez Mingma, à Balwatar, quartier chic de la ville même si cela n’est pas évident pour tous au premier abord…

J3 : libre a Kathmandu

J4 : l’AIRE D ARRET DE L AUTOROUTE

Kathmandu / Besisahar, 6 hs de bus

Besisahar / Bulbhule, 1h de route défoncée en jeep 4/4, puis une coulée de boue, inévitable à cette saison, nous empêche de rejoindre Syange ce soir, donc nous aurons d’ emblée une journée de retard.

Bulbhule / Ngadi ( 930m), 1h15 de mise en jambes. « Sa maison est en carton, les escaliers sont en papier » c’est ce qu on aurait pu dire de nos tentes North Face duplicate oui mais vraiment duplicate, et probablement  reliques  de l’époque des Ranas. Le tapis de sol éponge la pluie mieux qu’une éponge, et semble la multiplier. Cette première nuit de trek à Ngadi est un cauchemard. C’est décidé : j’étrangle Mingma ( pour les tentes ) et je change de métier. 7h durant la pluie martèle le toit de tôle du lodge dans lequel nous nous refugions, 7h durant j’écoute le vacarme du torrent , au cas où il aurait la dangereuse idée de se rapprocher.

 

 

J5 : SILENCE ON TOURNE

 

Ngadi ( 930m) / lunch à Kabre en 3h / Jagat ( 1300m) en 2h15

A partir de Kabre l’autoroute des Annapurnas est construite rive droite de la Marsyangdi. Des bataillons de Népalais rieurs ( pléonasme ) ont entrepris de creuser la falaise avec des petites cueillères, pour faire une route. A Coeur vaillant …

Sous la falaise se nichent des tas d’essains sauvages (birmaouri ) dont le miel est reputé pour ses qualités gustatives. Les piqûres aussi sont réputées.

 

J6 :  BLASTING

Jagat ( 1300) / Tal ( 1400) en 4h / Dharapani ( 1860m) en 2h30

Longue journée le long de la Marsyangdi, traversée d’éboulis et de ruisseaux temporaires. A Tal, nous sommes arrêtés une bonne heure par des tirs d’explosifs le long de la route en construction. Le trek n’est plus ce qu’il était : Pasang notre porteur photographie les cascades avec son téléphone portable !Tout se perd …

 

J7 : Dharapani ( 1860m) / Chimang ( 2300m) en 3h30 de montée dans une forêt de pins , chênes, érables, bouleaux / Koto ( 2650m) en 2h.

 

J8 : RESTRICTED AREA

Koto ( 2650m) / Dharmasala ( 3300m) en 7h / Meta ( 3650m) en 1h20

Nous voilà dans la restricted area pour 6 nuits si Boudha veut. Cette première journée est trop longue, Pemba, tu payes l’apéro : je voulais m’arrêter plus bas …Nous cheminons d’ abord dans la gorge très étroite de la Nar Khola bruyante, puis dans une splendide forêt de pins bleus, sapins, bouleaux, épicéas, bambous dont nous dégusterons le soir un curry de jeunes pousses. Nous traversons plusieurs fois le torrent sur de petits ponts de bambous et atteignons Dharmasala ( littéralement « abri ») après 7h de marche. Le lieu, encaissé et isolé, n’a rien pour plaire à notre équipe de cuisine qui court devant et qui a poursuivi sur 1h20 de côte raide jusqu’à Meta ou une Didi gère seule ( ceci explique peut être cela ) un lodge rudimentaire. Ainsi soit – il, poursuivons. Méta et Didi, c’est vrai : c’est bien mieux.

 

 

J9 : Meta ( 3600m) /Kyang ( 3860m) en 5h de marche, via les hameaux abandonnés de Junam Goth et Chiako, anciens settlements de guerriers khampas. Ces sites sont idylliques à cette saison de verdure, mais pas d’eau pour installer un camp de trekkeurs.

Ce matin à travers le brouillard le Kang Guru ( 6900m) ne se laissera pas plus apercevoir que le Pisang Peak (6091m). A Kyang les bâtisses blocs de pierre ne sont plus occupées que l’hiver par les yacks, les femmes et les enfants pendant que les hommes commercent ailleurs. Armées de nos parapluies, Sylvine et moi arpentons les lieux  dans le but de trouver un abri au cas où la pluie persisterait. Le meilleur abri est déjà squatté par des porteurs, nous passerons donc la nuit dans la cabane de l’Acap, pas le meilleur endroit mais au sec.

 

 

J10 : LE PAYS DE COCAGNE

Kyang ( 3850m) / Phu ( 4002m ) en 4h.

Etape de celles qui invitent à revenir. Phu est le pays de cocagne,  relief et ambiance incroyables. Séjourner à Phu, visiter ses alpages d altitude, se hisser vers le camp de base du Himlung himal, voila qui me semble désormais obligatoire pour parfaire ma connaissance du pays. J’organiserais par contre différemment l’itinéraire de façon à éviter autant que possible les journées sur l’autoroute des Annapurnas au retour. Des tours de guêt puis une porte annoncent l’entrée au village de Phu construit dans la pente pour préserver la terre arable. Les siècles ont façonné des paysages de pierres  ocres, gris, blancs, paysages égayés de toute une palette de verts,  cotonasters, berberis, armoises diverses utilisées pour les fumigations rituelles.

C’est de plus la saison des fleurs , pas celle des touristes : asters violets, grosses edelweiss blanches, delphiniums bleus marine, cremanthodiums jaunes à coeur noir, etc. Dans les champs cultivés, c’est le vert de l’orge, et les patates à fleurs blanches ou violettes.

La visite de la gompa Tashi Lhakhang, située 100 m au –dessus de Phu, sera un des moments forts du voyage. De la salle de méditation émane une atmosphère rare, à donner la chair de poule. Le jeune lama, très accueillant, nous fait visiter la pharmacie, contenant aussi bien des pilules tibétaines, que du paracétamol ou des médicaments ayurvédiques. Une petite kora au-dessus permet d’avoir de beaux points de vue sur les alpages de la haute vallée, les itinéraires menant au Mustang ou au Tibet.

Nous nous installons chez Sonam.  Aux premières gouttes de pluie, Sylvine et moi rejoignons vite la cuisine enfumée où nous passerons la nuit sous le regard du Boudha … et entourées de toute notre équipe, accueillante.

 

J11 : UN THE A NAR PHEDI 

 

Phu ( 4002m) / Nar Phedi ( 3650m) en 7h

 

Nous revenons volontiers sur nos pas dans ce paysage minéral fantastique qui fait penser au Mustang. La Phu Khola a creusé dans la moraine gigantesque du glacier ancestral des colonnes que l’érosion des eaux de ruissellement a fini de sculpter avec raffinement. L’espace sent très fort l’aïl sauvage et l’absinthe. Nous nous hâtons de traverser le torrent fougueux qui descend du Kang Guru avant que la fonte des glaces ne le rende intraversable. Le porteur –étudiant fait des photos, le guide local et l’accompagnatrice découvrent la région, seuls Dorje-the- champion et Syange-the-lama connaissent les lieux.  Tout semble couler de source et d’harmonie sous le soleil et parmi les fleurs. Nous nous installons près du monastère en construction, dans les loges des lamas descendus en ville, dans leur intimité,  shampoing, brosse à dents, et livre de prières. Loïc a repris du service : il soigne un ouvrier qui a reçu une pierre dans l’œil, et un jeune lama ( ?) bronchiteux.

 

J12 : Nar Phédi ( 3650m) / Nar ( 4100m) en 4h.

 

A 5h30 les lève-tôt ( pas moi) aperçoivent le Brikuti Himal dans le lointain au fin fond de la vallée de Phu, le Pisang peak et le Kang Guru. Les lève-tard apprécieront un paysage surréaliste derrière de folles brumes fantomatiques, ce qui a l’avantage de laisser libre cours à l’imagination. Voilà pourquoi je n’arrive pas à me lever tôt le matin. Après 3h30 de montée nous arrivons à la porte de Nar, littéralement le village du mouton bleu ( le barhal en népali, le mouton bleu en français, le blue sheep en anglais et le nar en dialecte local). C’est un gros bourg de quelques 85 foyers, et quatre gompas privées Kagyu Pa. Le Karmapa qui a fui le Tibet en 1999 pour rejoindre le Dalaï Lama via le Mustang et Manang, a son portrait partout.

 

A Nar la propriétaire du lodge égraine le « timur », baies rouges très odoriférantes. Elle nous fait visiter sa gompa privée et explique comment le village se répartit les rituels.  Nous avons quasiment le même âge, et d’autres éléments qui nous rapprochent encore. Je lui donne mon pantalon. Séparée de son mari, elle élève seule ses trois enfants et s’occupe de son père de 77ans, un sympathique grand père … mais il souffre du dos … Loïc, pourrais-tu … Voilà chose faite et le grand père, qui se plaint d’être âgé, de perdre et les dents et la vue, me rassure sur l’état du sentier qui traverse le Kang La. Ses renseignements se révèleront exacts. Il y passait souvent avec ses chevaux mais depuis quelques temps son dos l’oblige à garder le repos. Il se déplace avec une canne. Il raconte aussi qu’il allait avec ses yacks à Lo Manthang en deux jours ! Il ramenait le bon sel du Tibet, et là il se lèche les babines pour être sûr que j’ai bien compris. Ou il perd la mémoire, ou il était très rapide. Sa fille l’installe au soleil avec thé et biscuits et nous discutons. Une complicité s’installerait entre nous simplement si notre séjour devait se prolonger. Son jeune fils, 9 ans, est interne à Kathmandu et elle ne descend le voir que très rarement. Elle me montre des photos. Elle montre aussi à nos amis (qui insistent ! ) son pantalon d’hiver, en pure laine de yack, et pas trop sexy quand même.Tout le monde parle népali,alors que je m’attendais à un dialecte tibétain.  Belle soirée.

 

J13 : Nar ( 4100m) / Kang la phédi ( 4650m) en 2h30 de montée progressive.

 

Dans une pelouse d’alpage à la végétation rase, des troupeaux paissent, des moutons, des chèvres, quelques vaches, des yacks, et de petits chevaux.

 

Au camp, le staff improvise une partie de volley avec un ballon fait de sacs plastiques. Le tout à 4650m, il faut bien que jeunesse se passe. Brumes, bruines, mais aussi chants et danses initiées par Sylvine.

 

La nuit sera mémorable pour le groupe. J’écoute les respirations : personne ne dort. Moi non plus vu que j’écoute. Des frontales vont et viennent à toute heure de la nuit : mais que font –ils donc ? ils réparent une mobylette ? Vive les nuits d’altitude. 

 

J14 : Kang La Phédi ( 4650m) / Kang La ( 5200) en 3h lentement/ Ngawal ( 3600m) en 4 h depuis le col.

 

Aujourd’hui à l’occasion du passage du col le ciel nous offre une chance INSOLENTE : il est bleu. La journée sera magique. Les sommets jusqu’alors insoupçonnés se dévoilent ( «  Oui mais pas si vite, … »). Le Pisang, le Kang Guru comme jamais, et du col nous verrons de gauche à droite les Annapurnas 2, 4, 3, le Gangapurna, le Glacier Dôme, et au fond le Tilicho.  

 

A Ngawal on récolte les premières patates. Les champs rose vif de sarrasin ondoient sous le vent fort de la haute vallée de la Marsyangdi. Le hameau a conservé tout son charme depuis mon dernier passage. Les hommes d’ici, la plupart des Manangis, passent l’hiver au tiède à Kathmandu où ils sont de riches propriétaires fonciers. L’été, aux villages, ils font sécher les champignons, l’absinthe qui sera utilisée dans les fumigations rituelles.

 

J15 : IL N’Y A DE PLAISIR QUE PARTAGE.

 

Ngawal ( 3650m) / Ghyaru ( idem ) / Swargadwari bridge en 5h30 / Brathang / Koto ( 2600m) en 2h30.

 

C’est le 15 août ! Suite à un malentendu avec Pemba, mon spécialiste de la pizza aux petits pois mais je ne lui en veux pas, nous déjeunons assez tard au pied des «  Portes du paradis », immense rasoir ou miroir de faille dont le sommet est à l’altitude du Mont Blanc. Nous avons largement pris le temps de visiter Ghyaru , architecture traditionnelle, fenêtres de bois sculpté, et un sentier balcon splendide face aux Annapurnas … que l’on voit toujours, merci la météo.

 

J16 : Koto ( 2600m) / Dharapani ( 1860m) en 4h de up and down / Tal ( 1700m) en 2h.

 

Une longue descente en dents de scie nous ramène progressivement à la civilisation, le long de l’autoroute des Annapurnas. La lassitude se fait sentir, les genoux aussi. Nous traversons des paysages connus à l’aller, et retrouvons le vacarme du torrent immense.

 

J17 : Tal ( 1700m) / Syange en 4h / puis Syange/Ngadi en 4 autres heures, et en deux groupes. Certains optent pour l’ancien sentier du Tour des Annapurnas, qui décline toute la palette des verts, plutôt que la route : magnifique, luxuriant, et même pas une seule sangsue !  J’avais pourtant prévu toute la doc. sur cette petite bestiole, pour démystifier, le sel, le briquet, les  gazes, etc.

 

J18 : Ngadi / Besisahar, 4h à pieds …car la jeep à l’aller en a terrorisé plus d’un ! Retour vers la ville, mais pas tout à fait : on se pose en vallée de Kathmandu à Bodnath, lieu rare, et on déguste. Tout : le shampoing, le lassi ( « no electricity, no lassi »), tout.

 

Quelques jours après notre retour de trek et avant notre envol pour la France, un heureux évènement dont je me permets de me réjouir : Krishna notre guide devenait Papa de l'adorable petite fille que voici :

 

Autre évènement notoire, le 4 novembre 2010, moins de trois mois après que nos chemins se soient séparés à Bodnath, notre Sherpa DORJE gagnait la course de montagne la plus longue du monde (850 km en 20 étapes), la plus haute (5.660 m) et la plus difficile (+31.500 m, - 32.600 m et 10 cols a plus de 5.000 m). Elle a relié le Mont Kailash au Tibet au Massif des Annapurnas au Népal. 27 coureurs étaient au départ, mais seulement 11 ont pu faire la totalité du parcours. C'est notre ami Népalais Phu Dorjee Lama Sherpa qui s'est imposé en 127 h 22, devant le Belge Wouter Hamelinck (137 h 17) et le Népalais Jorbir Khaling Rai (137 h 43). Le premier Français est le Réunionnais Sébastien Lesage (4e en 139 h 13). Bruno Poirier, créateur de l'épreuve, s'est classé 6e en 141 h 26.La première femme est la Française Virginie Duterme (11e en 158 h 47). Bravo !

La troisième édition de l’Himal Race a été la plus difficile depuis sa création en 2002. La méconnaissance des régions traversées, la mauvaise estimation des distances et des périodes de flottement dans l'organisation népalaise ont fait que l'épreuve s'est inventée durant les premiers jours de course au Népal.

 

Alors Dorje, rendez-vous au printemps 2011 pour  un trek au LANGTANG du 16 au 31 avril, de quoi te remettre de cette épreuve, et encore bravo notre ange gardien plutôt persévérant !!

 

Je vous avais bien dit qu'en cas de problème, il serait plus rapide que mon téléphone satellitaire ...

 

 

                                                   Victoire de Dorje le 4 novembre 2010.

  Cathy Caudart 

 05100 Briançon

05neiges@gmail.com     

06 47 90 33 91

 

Et cet hiver, envie de glisses sauvages avec Cathy ? 

http://www.randhautnordique.com/